30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 21:44
IGP4680 _IGP4681.jpg

 

Les premiers exemples d’utilisation de ciment pour modeler et agrémenter les jardins remontent à l’époque romaine : que l’on songe au sanctuaire de la villa d’Hadrien à Tivoli, recouvert d’une somptueuse voûte en béton. C’est pourtant au xixe siècle, avec la redécouverte des matériaux composites, que cette utilisation est le plus fréquemment associée. La maîtrise de nouveaux procédés industriels et techniques ainsi qu’un besoin de nature maitrisée et modelée par l’homme moderne entrent en effet de plain pied dans les préoccupations de l’époque.

Photo0108
Photo0110

C’est Napoléon III qui encourage en premier lieu ce nouveau savoir-faire des rocailleurs français, également diffusé grâce aux expositions universelles. On trouve des exemples de rocaille dans de grands parcs parisiens issus des réaménagements de la ville à cette période : les Buttes-Chaumont, Montsouris et Monceau mais aussi le bois de Boulogne, le bois de Vincennes et les Champs-Élysées. 

Le ciment (armé) est alors utilisé massivement pour remodeler le paysage (surtout aux Buttes-Chaumont). Au lieu de faire venir sur place de lourds blocs de pierre à assembler et tailler on préfère la pierre liquide. On l’utilise alors également pour l’agrément (petites folies et pavillons, bancs, balustrades en faux bois). On veut alors des jardins pittoresques. 

Photo0112.jpg

 

Si l’aménagement des grands parc de cet époque vous intéresse, ne manquez pas ce petit reportage-portrait de Jean-Charles Alphand, disponible sur le site de l’INA (L’assiette anglaise – 13 mai 1989) : http://www.ina.fr/art-et-culture/architecture/video/CAB89018974/portrait-alphand.fr.html - xtor=AL-3

 

 

 

 

Comment ça marche ?

« Les rocailleurs composent de vastes paysages géologiques en recourant aux fers ronds et au fils de fer en guise d’armatures pour les fausses concrétions et les faux bois, en accumulant les couches de ciment et en les sculptant de plus en plus finement »

Racine, Michel. Jardins « au naturel ». Arles : Actes Sud, 2001. p.86.

 

Photo0107 Photo0111

 

 

 

Voici une vidéo produite par Créacom Amiens de la série « L’art et la matière »  disponible sur youtube, montrant le travail d’un artisan : link

 

Où trouver des informations sur ce sujet ?

MichelRacine.jpg

La référence sur le sujet est le livre de Michel Racine : Jardins ‘‘au naturel’’, chez Actes Sud, paru en 2001. (L’auteur a également publié des guides sur les jardins de France chez le même éditeur).

Dans cet ouvrage on trouve un historique clair et complet des styles « rocailles » et « art rustique » ainsi que des détails techniques précis et ce pour différentes régions françaises, mais aussi quelques pays (Angleterre, Argentine, Espagne et Italie).  Au passage on en apprend plus sur l’histoire du béton et ses différentes applications dans l’art des jardins et du paysage.

 

 

 

Voici les liens vers un site et des articles de blogs utiles pour aborder le sujet :

- Rusticages : faux bois, vraies oeuvres d’art du blog de «  A tous les étages », spécialisé dans la déco.

Cet article vous donne des définitions, un historique et les clés de la technique utilisée pour ces œuvres en « faux bois ». Le tout est illustré par des photos  de rusticage au parc des Buttes-Chaumont et par quelques œuvres de rocailleurs contemporains.

- Rocailles fin de siècle et poésie des ruines du blog de Jean-Michel Chesné, collectionneur de documents anciens et surtout un amateur d’art brut, artiste lui-même.

Cet article nous présente l’art de la rocaille d’un point de vue plus artistique et presque sous la perspective de l’art brut puisque, en somme, les maçons rocailleurs étaient souvent formés sur le tas, autodidactes et de vrais créatifs, sculpteurs. Enfin il reproduit des documents anciens relatifs à cet art, véritables témoignages de cette époque (prospectus publicitaires, cartes postales, photographies, etc.).

Du ciment au naturel

Ce site internet réalisé par un amateur passionné de rocailles, compile de nombreuses photos, mais donne également des informations utiles, une bibliographie et une webographie. 

 

 Mots clés pour vous aider dans vos recherches :

art rustique, béton rustique, ciment rustique, décors rustiques en faux bois, faux bois, rocailles, rocailleurs, rusticages, travaux rustiques.

 

Pour la poésie, quelques photos d’archives :

L’énigmatique « femme au chapeau rouge » du parc des Buttes-Chaumont, fonds photographique de la BNF, via Gallica, photographe inconnu :

f1.highres.jpg f2.highres.jpg

 

Et pourquoi pas le début d’une nouvelle tendance ?

Ce qui est emblématique d’une époque subit fatalement le contrecoup du temps, comme tout ce qui est à la mode. Cet art rustique fut ensuite largement dédaigné et parfois mal conservé (voire détruit).

On peut toutefois noter que cette aspiration de l’homme (citadin) au pittoresque et au naturel est tout à fait d’actualité. Pour preuve, en ce qui concerne le ciment ou béton imitant le bois, on trouve aujourd’hui encore des artisans rocailleurs créant des objets. On trouve aussi des propositions plus contemporaines, qui reprennent pourtant exactement le même principe d’imitation du bois pour la décoration et l’agrément, mais en béton (pour le coût et l’entretien).

Voici une liste non exhaustive d'exemples :

Partager cet article
Repost0
Published by betonetobjets - dans petite histoire du béton
18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 10:17

 

PontGardTrutat.jpg

 

« Une ville où l’on risque fort, une fois entré, d’oublier tout ce qu’on a laissé dehors. » C’est ainsi que le géographe grec Strabon décrivait la ville des Césars à ses lecteurs au ie siècle après J.-C.  Rome devait en effet créer une impression forte sur le visiteur grec : ici, point de ces maisons de fortune, creusées dans le roc, caractéristiques des quartiers populaires d’Athènes, ni de ces ruelles tortueuses et étroites qui traversaient les villes grecques. Architecturalement, Rome était basée sur un fonctionnement urbanistique à l’intelligence éprouvée : des rues larges, permettant aux commerces de disposer leurs étals et des insulae, sortes d’HLM avant l’heure pouvant loger les familles moyennes sur plusieurs étages.


Il est bien connu que les Romains, contrairement aux Grecs, ne possédaient pas de mythologie. La seule divinité qui fût digne de leur adulation, c’était l’urbs, la ville. Une divinité vivante, vibrante, « de fureur, de cris et de fumée » (Horace). Ce sont donc les Romains qui mirent au point, au iie siècle avant J.-C., la technique de l’opus caementicium consistant à insérer entre deux parements des matériaux divers noyés dans du ciment, et que l’on peut considérer comme l’ancêtre de notre béton.

 

 

Le béton : une question d’identité nationale !

 

Si les Romains inventèrent la technique du béton, c’est autant pour faire face à la surpopulation qui, suite notamment aux guerres contre Carthage (iie siècle avant J.-C.), frappa la ville, que pour se démarquer de l’architecture grecque. Le siècle de Périclès (ve siècle avant J.-C.) avait en effet posé, à Athènes, les bases d’un type d’architecture nouveau, reposant essentiellement sur l’usage de blocs de pierre et sur une structure linéaire et angulaire, dont le chef-d’œuvre est certainement le Parthénon, bâti entre 449 et 438 avant J.-C.


BasiliqueMaxConstantin.jpgL’invention de l’opus caementicium permit donc aux Italiens de s’affranchir des règles grecques – ce qui était toujours une préoccupation de taille pour les Romains. En inventant le béton, ils donnaient à leur ville une personnalité propre. La solidité de l’opus caementicium permettait en effet de recourir à des formes architecturales jusqu’alors inédites : l’arc et la voûte. C’est ce que les historiens ont appelé la révolution architecturale romaine. On trouve un bel exemple de ces gigantesques voûtes, caractéristiques de l’esprit romain, dans la Basilique de Maxence et Constantin, construction tardive dénotant une maîtrise parfaite de ces techniques à l’aube du ive siècle après J.-C.


C’est également sur ce système de voûtes que repose le plus pur symbole de la culture et de la domination technique de la civilisation romaine (œuvre de propagande au même titre que le furent les grandes cathédrales de la chrétienté médiévale) : l’aqueduc.


L’aqueduc, c’est, au fond, le temple que les Romains bâtirent à la gloire de leur propre génie.

 PontGard

 

Le rêve des promoteurs

 

Mais l’opus caementicium, outre ces raisons propagandistes et identitaires, proposait un grand nombre d’avantages urbanistiques. D’une part, sa solidité permettait de loger un grand nombre de personnes (les murs romains ont traversé les âges et nous sont parvenus). D’autre part, l’opus caementicium ne nécessitait pas de main-d’œuvre spécialisée. N’importe quel esclave pouvait faire l’affaire, ce qui représentait pour les « promoteurs » de l’époque un indéniable gain de temps et d’argent. Enfin, les matériaux entrant dans la composition de l’opus caementicium étaient souvent de récupération, ce qui cadre bien avec l’esprit, pragmatique au possible, des Romains.


Lorsque, au ie siècle après J.-C., la ville fut partiellement détruite par le célèbre « grand incendie », Néron proposa donc de recourir massivement à l’usage du béton pour la rebâtir. Il gagnait ainsi en efficacité, en temps, en argent, et en sécurité. Le tyran n’était peut-être pas si fou…

 

 

Un chef-d’œuvre de l’architecture romaine : le Panthéon

 

pantheonGal.jpgMais l’opus caementicium ne fut pas utilisé par les Romains que pour son intérêt pratique. Très rapidement, les perspectives artistiques qu’offrait une telle technique ne manquèrent pas d’intéresser les architectes. Visuellement, l’invention de l’arc et de la voûte fut une avancée considérable : les bâtiments, même officiels, se libéraient du diktat de la ligne droite et se paraient d’une structure rythmique plus libre. L’exemple le plus évident de ce renouveau artistique est bien entendu le Panthéon de Rome, bâti par Hadrien vers 126 après J.-C.


pantheonExt.jpgCe bâtiment présente tout d’abord un vestibule d’inspiration grecque (un pronaos) : basé sur de grandes dynamiques rectilignes. Seize imposantes colonnes corinthiennes supportent l’ensemble du portique. À ce pronaos fait suite une cella circulaire qui frappe par son élégance et sa simplicité : les poids sont entièrement répartis sur les murs de la rotonde et la pièce centrale est surmontée d’une coupole trouée en son centre, figurant la voûte stellaire. La prouesse architecturale que représente le Panthéon n’aurait en aucun cas pu être possible sans l’utilisation de l’opus caementicium, qui permet plus de liberté dans la répartition des poids.


pantheonInt.jpgLa coupole qui surmonte le bâtiment possède un diamètre de 150 pieds romains (un peu plus de 43 m) et une hauteur parfaitement égale. Elle est percée d’un oculus (œil) permettant de laisser passer la lumière et d’observer, sur les murs de la cella, le parcours du soleil. De nombreux effets de perspective ajoutent à la beauté et à l’élégance architecturale du bâtiment.

 

Chef d’œuvre de construction, le Panthéon représente à lui seul l’esprit romain. Il est une illustration de ce à quoi les Romains veulent croire : la conciliation harmonieuse des courbes et des droites, des idées anciennes et nouvelles, des mentalités et des cultures dans un idéal commun. Projet artistique, politique et philosophique qu’il apparut important d’inscrire dans les murs de la ville et qui n’aurait sans doute pas pu être matérialisé sans l’invention du béton.

 

 


Les deux premières illustrations sont du photographe Eugène Trutat  (Pont du Gard et vestiges de la basilique de Maxence et de Constantin à Rome). Elles appartiennent à la bibliothèque municipale de Toulouse: link et link. Les autres illustrations appartiennent à la BNF et proviennent du site Galica. Toutes relèvent du domaine public.

 


 

 

Pour explorer le sujet :

 

Sur le web

 

 

Si vous voulez consulter une page Wikipedia sur ce sujet, nous vous recommandons plutôt la version anglo-saxonne, plus complete: http://en.wikipedia.org/wiki/Roman_concrete

 

Un site dédié au sujet (en anglais) : http://www.romanconcrete.com/index.htm

 

Sur le site de l’Institut Géopolymère, l’article: « Ciment et béton romain haute performance, bâtiment durable et résistant ». http://www.geopolymer.org/fr/archeologie/ciment-romain/ciment-et-beton-romain-haute-performance-batiment-durable-et-resistant

 

L’ouvrage de Vitruve accessible en ligne: « De l’architecture ». Le livre second traite plus particulièrement des différents matériaux, dont la pouzzolane. http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Vitruve/index.htm

 

Le site du Pont du Gard et de l’aqueduc romain de Nïmes propose des ressources et fiches pédagogiques sur les techniques de construction romaine, destinés aux élèves et enseignants. http://www.pontdugard.fr/page.php?m=13_3

 

 

 Bibliographie

 

Adam, Jean-Pierre. La construction romaine: matériaux et techniques. 6e éd.Paris: Picard, 2011, 367p. (Grands manuels Picard). ISBN 9782708408982 

 

Choisy Auguste. L’Art de bâtir chez les Romains. Paris: Ducher, 1873, 216p. En ligne ici 

 

Cowan, Henry J.. « An historical note on concrete ». Architectural Science Review, 1975, 18 (1): 10-13. doi:10.1080/00038628.1975.9696342.


Conti C., Martines G. and Sinopoli A. Construction techniques of Roman vaults: "Opus caementicium” and The Octagonal Dome of the Domus Aurea, in: K.-E. Kurrer, W. Lorenz, V. Wetzk (eds.), Proceedings of the Third International Congress on Construction History, Cottbus, 20-24 May 2009, Berlin, 2009, vol.1, p.401-08.     En ligne ici.

Cowan, HJ. « A history of masonry and concrete domes in building construction ». Building and Environment, 1977, 12 (1): 1-24. doi:10.1016/0360-1323(77)90002-6.

 

Lancaster, Lynne C. Concrete Vaulted Construction In Imperial Rome: Innovations In Context. Cambridge: Cambridge University Press, 2005, 296p. ISBN 0521842026

 

Malacrino, Carmelo G.. Constructing the Ancient world: architectural techniques of the Greeks and Romans. Getty Publications, 2010, 220p. ISBN 9781606060162  Consultable ici 

 

Siddall, Ruth. « The use of volcaniclastic material in Roman hydraulic concretes: a brief review ». Geological Society, London, Special Publications , 2000, 171 (1) (janvier 1): 339 -344. doi:10.1144/GSL.SP.2000.171.01.24.


Sinopoli A., Basili M, and Esposito D. Construction techniques of Roman vaults and opus caementicium: the case of Lupo and St. Gregory's Bridges, in: Arch'10, 6th international conference on Arch Bridges. Fuzhou, 11-13 October 2010, p.319-325.  Consultable ici

 

Vitruve. De l’architecture Livre 2. Cuf Latine. Paris: Belles Lettres, 2004.

 

Ward-Perkins, John Bryan. Architecture romaine. Paris: Gallimard Electra, 1994, 205p. (Histoire de l’architecture). ISBN 9782070150151


Partager cet article
Repost0
Published by betonetobjets - dans petite histoire du béton

Présentation

  • : Le blog de betonetobjets
  • : Béton et Objets est une structure d'édition lancée par Comellicom. Sa démarche est de concevoir des produits design d'intérieur ou d'extérieur en ultrabéton®, un béton fibré ultra haute performance.
  • Contact

Site internet betonetobjets.com :

Capture d’écran 2011-11-28 à 23.18.35

Recherche

Archives